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Interview Hélène Langevin et Pierre Joliot août 2019 (vidéo) - Partie 1 [32402]

2019 précisément | CINÉMATHÈQUE DE BRETAGNE

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Film amateur | Bretagne

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Retranscription interview partie 1:

01:01:28:23 Petite présentation de Hélène Langevin:
ses études et son travail au CNRS dans le domaine de la radioactivité et la physique nucléaire dans la poursuite du travail de ses parents et son intérêt pour les problèmes tels que la culture scientifique, les femmes, la paix.

01:02:43:16 Petite présentation de Pierre Joliot:
ses études et son passage à la recherche, son travail en laboratoire même pendant sa retraite, biophysicien intéressé par la photosynthèse, professeur au Collège de France pendant une vingtaine d'années.

01:03:49:22 Note par Hélène sur l'évolution du domaine de la recherche en physique nucléaire. Échanges entre Pierre et Hélène sur les différences sur la recherche en biologie et en physique nucléaire. Évocation de l'évolution de la recherche scientifique depuis l'époque de Frédéric Joliot. Garder la possibilité de l'erreur pour le chercheur pour qu'il ait une certaine liberté pour pouvoir trouver quelque chose de nouveau.

01:07:00:05 Question du couple Irène et Frédéric Joliot au travail:
Hélène et Pierre étaient trop jeunes pour avoir vu leurs parents travailler ensemble sur un sujet autour des années 30-38. Hélène évoque les notes de travaux du couple: travail réparti parfois, travail des deux mélangé à d'autres moments, le tout se mêlant avec la vie en commun. Deux pièces séparées pour la physique et la chimie à l'Institut du Radium, mais l'un et l'autre étaient à la fois chimistes et physiciens.
01:09:11:14 Pierre parle du côté caractéristique du couple de leurs parents, deux personnalités très différentes, a priori un couple impossible. Efficacité de leur collaboration qui s'explique par le fait que leurs visions de la science étaient différentes. Pareil pour Pierre et Marie Curie qui étaient deux personnalités pratiquement opposées. Frédéric était capable d'être extrêmement concentré au travail et d'arrêter de penser au travail dès son arrivée à l'Arcouest, alors que Irène avait toujours un papier scientifique sur lequel elle continuait de penser à l'Arcouest.

01:12:01:22 Rapport de Irène au travail:
Hélène parle du plaisir dans le travail. Pierre parle de l'importance des activités sportives pour Irène autant que le travail de recherche. Pour Frédéric et Irène, les vacances étaient un moment où on assouvissait d'autres passions que celles de la science. Frédéric pensait même que c'était une nécessité pour ne pas tourner en rond au travail et revenir "plus intelligent" en retour de vacances, à la sortie du cercle fermé du travail. "On aurait du rester en montagne plus longtemps on aurait eu de meilleures idées".
(Bruit d'avion en fond) Évolution du métier de chercheur qui actuellement est plus axé sur la compétitivité.
01:16:26:20 Pierre parle de la place de la science et des vacances dans le groupe de l'Arcouest. Préoccupation politique plus permanente que la préoccupation scientifique à l'Arcouest, le Front Populaire a été pour l'Arcouest une espèce d'aboutissement.
01:17:58:03 Recherche de financements pour la recherche scientifique par Jean Perrin, Paul Langevin et Marie Curie, flambeau repris par la deuxième génération, une collaboration qui s'est poursuivi jusqu'après la guerre. Dans l'équipe dirigeante du Commissariat à l'énergie atomique il y avait 70 % de personnes du groupe de l'Arcouest, ou des réseaux d'amis liés aux arcouestiens. Des personnalités très compétentes et complémentaires.

01:20:29:20 (bruit d'avion en fond) Le 4, rue de Froidevaux:
Emile Borel a acheté en commun avec les amis Marie Curie, Jean Maurain, etc, l'immeuble rue de Froidevaux pour faciliter la recherche d'un logement pour Frédéric et Irène entre autres, ce qui a créé des liens qui se sont traduits dans des activités, non seulement à l'Arcouest, des activités sportives au ski et même au canoë.
01:21:39:17 Pierre précise que la rue Froidevaux a été acheté par l'Arcouest, tout le bâtiment est une société qui a été créée, portant le nom de l'Eglantine, nom du bateau de Charles Seignobos et symbole de la ligue des droits de l'Homme. Première génération d'arcouestiens qui se sont réunis autour de l'affaire Dreyfus et qui ont créé un groupe élitiste et fermé. Arrivée difficile de Frédéric dans cette tribu aux coutumes particulières où les règles de politesse classiques n'ont pas cours. Il a fallu attendre la thèse de Frédéric pour qu'il ait l'approbation des autres dans ce groupe. Paradoxe d'un monde fermé critiquable fabriqué par des gens dont toutes les idées politiques et sociologiques étaient en contradiction avec la création de cette espèce d'élite fermée sur elle-même. Endogamie, choix politiques pendant l'affaire Dreyfus, la montée du fascisme, guerre d'Espagne.
01:25:10:22 (gros bruit avion)
01:26:03:05 Engagement par rapport à la guerre d'Espagne et l'achat d'instruments d'optique par le groupe de l'Arcouest pour les Républicains, mais comme ils ont perdu, ils leur restaient des jumelles et lunettes à l'Arcouest (CF "Arcouest 1939" n°29473). Unité politique qui s'est dissoute après la guerre, en partie parce que Frédéric était communiste, même si, dans le fond, tout le monde était pour la paix et contre la course à l'armement nucléaire. Le CEA est le symbole du rassemblement des scientifiques partis à l'étranger pendant la guerre et ceux resté en France, pour la reconstruction du pays.

01:29:54:19 (bruit d'avion et cut un peu brutal) Seconde Guerre mondiale:
Peu de films pendant la guerre parce que le matériel de film pour les amateurs se faisait rare.
01:30:34:19 Pierre parle d'un court film amateur disponible sur internet filmé le jour de la libération de Paris par un groupe d'américains du projet Manhattan chargés de retrouver Frédéric Joliot. Le groupe d'américains, de la mission Alsos, étaient venu à l'Arcouest avant ça pour retrouver Frédéric.
(CF "Boris T. Pash papers, Reel 1 of 4: "Alsos Mission Films" " de Hoover Institution Library & Archives sur Youtube, entrée des américains le 25 Août 1944 à Paris via la Porte d’Orléans, à partir de 3 min 47 pour la séquence de 17 secondes où on voit Pash et Frédéric devant le Collège de France.)
(NDLR: ce film d’amateur est réalisé par l’un des officiers qui faisait partie d’un groupe dirigé par le colonel Pash qui, lors de la libération de la France, avait pour mission principale de prendre contact avec Frédéric Joliot. Cette mission est décrite en détail dans le livre «Now it can be told », chapitre « Military intelligence Alsos II France » écrit par le Général Leslie Groves, directeur du projet Manhattan. Après avoir tenté de retrouver Frédéric à l’Arcouest, ils ont été probablement les premiers américains à pénétrer dans Paris, avec ou même avant la division Leclerc (voir le livre de Groves et le livre du colonel Pash « The Alsos Mission »). Ils ont pris contact avec Frédéric au Collège de France, où il fabriquait des cocktails Molotov. "Cette très courte séquence est très émouvante car il s’agit, à ma connaissance, du seul document montrant mon père pendant la libération de Paris", Pierre Joliot.)

01:33:46:16 Travail et résistance de Frédéric Joliot pendant la guerre:
Pierre et Hélène enfants étaient au courant beaucoup de choses sur les activités de résistance de leur père. Hélène parle de réunions de haut-niveau organisées par Frédéric chez sa sœur où les enfants croisaient les participants.
01:35:47:10 Premières deux années de guerre où il n'était pas question de toucher à un travail scientifique, mais au bout de 2-4 ans, le cyclotron a marché avec l'aide des allemands sous un accord commun: aucun travail de guerre ni de la part des allemands, ni de la part des français. Poursuite du travail sur la radioactivité et ses effets en médecine et biologie, travaux publiés après la guerre sur l'utilisation des radioéléments comme indicateurs.
01:37:30:10 conception de la recherche comme un jeu par Frédéric qui a beaucoup inspiré Pierre Joliot. La recherche est un métier créatif et artistique selon Frédéric Joliot.
01:39:34:23 Irène s'exprimait beaucoup moins, elle était plus mesurée même si elle adhérait totalement à cette vision de la recherche.
(01:40:07:18 bruit de bateau) Quand Frédéric est entré en clandestinité en 1944, ils ont décidé que Irène, Hélène et Pierre passeraient clandestinement en Suisse. Irène étant à l'époque préoccupée par la statistique de stabilité des noyaux, ce sont ses livres de travail sur le sujet qui ont passé la frontière. Passage en Suisse à pieds par la montagne, et à leur arrivée en Suisse, ils ont été mis en prison dans un château fort dans une cellule avec seulement de la paille au sol. Irène n'avait pas l'air paniquée du tout, elle travaillait en tailleur sur ses livres. Pierre a été amené par deux militaires pour aller faire une balade en montagne. Puis le préfet local ayant eu vent du statut de Irène, les a mis en prison dans son appartement.

01:43:36:15 La place des femmes dans le milieu de l'Arcouest:
Dans la première génération arcouestienne il y avait quand-même au moins trois femmes jouant un rôle direct dans le groupe de l'Arcouest: Marie Curie, Mme Borel, femme de lettres, et Jeanne Maurain,une des premières professeures de mathématiques à niveau élevé, tandis que dans la deuxième génération,celle de Irène et Frédéric, il n'y avait pas tellement de femmes qui tiennent une place comparable à celle de Mme Borel. Question de statistique peut-être.
01:46:09:18 Pierre a retrouvé des textes qui montrent que, très tôt, la défense du droit des femmes était un élément très clair, mais que finalement le nombre de femmes dans le groupe de la génération suivante n'est pas très convaincant.
(01:47:00:00 le vent se lève) Portrait de Aline Lapicque. Différence entre les principes et la réalité. L'égalité au centre des préoccupations de Sorbonne-Plage, mais dans la pratique, ce groupe ne s'est pas inscrit à 100 % dans le cadre de leurs propres convictions. Mais pour autant, si, au sein du groupe, une femme avait voulu travailler, cela aurait été considéré comme normal et même quelque chose de très bien.

01:49:12:18 Pierre et Hélène sont restés un an à l'Arcouest pendant la guerre. Ils sont arrivés pendant l'été de 1939 jusqu'à septembre 1940. Tous les hommes étaient mobilisés, mais, dans le groupe de l'Arcouest, la famille Joliot-Curie est la seule où les deux parents sont partis. Femme du groupe qui a proposé ses services pour conduire le car Paimpol-Arcouest.
01:51:11:06 Référence de Pierre a une scène filmée de la famille en 1939 (CF "Arcouest 1939" n°29473): scène de séparation entre les parents et leur enfants. Émotion palpable malgré les positions figées des membres de la famille.

01:51:55:15 Hélène revient sur les lieux de socialisation, lieux de visite:
L'immeuble rue Froidevaux offrait un lieu de contact sans qu'on l'on aille prendre le thé chez l'un et l'autre, mais aussi lieu de contact pour des activités sportives ailleurs. Maison familiale d'Antony que la famille appelait maison de Sceaux. Les amis restés en France venaient pendant la guerre à Sceaux, puis immédiatement après la guerre, le dimanche. Pas besoin de prévenir, la maison était ouverte le dimanche, comme une maison de week-end pour les amis. Il y avait un tennis, et une zone dévouée à la gymnastique (portique, barres parallèles, sautoir). Les jeunes Lapicque, qui venaient de la rue Froidevaux, les Combrisson, descendants des Chavannes, venaient à Antony pour venir faire du tennis. Se mélangent au tennis d'Antony, des gens de l'Arcouest et des gens du secteur du laboratoire, comme le jeune physicien italien Bruno Pontecorvo, le collègue Louis Leprince-Ringuet qui n'appartenait pas du tout au milieu de l'Arcouest mais qui était joueur de tennis (CF "Sceaux - Fontenay" n°29463). Hélène a remarqué que parmi les personnes participants à l'expédition Canoë (CF "Canoë" n°29493) il y a Salomon Rosenblum, un des piliers chercheurs de l'Institut du Radium. Autrement dit, le pôle sportif, soit des dimanches à Antony, soit lors d'une excursion, c'est quelque chose qui rapproche des gens du laboratoire, des gens de l'Arcouest et des gens de l'ancien milieu de Frédéric comme Pierre Biquard (ami depuis les études). Tout ça se focalise autour de quelque chose de concret.

01:55:34:22 Lien sport/vacances:
Pendant la période la plus productive de la vie scientifique de Irène et Frédéric, Pierre a du mal à calculer le nombre de jours de vacances qu'ils prenaient entre l'Arcouest, deux saisons de ski et une sortie canoë, à une époque où faire du ski n'était pas la norme.
Anecdote de Francis Perrin s'étant fracassé la mâchoire lors d'une expédition en canoë, il gardera une mâchoire déformée qu'il cachera sous une barbe.
Pierre raconte des souvenirs de ski, notamment un moment immortalisé sur pellicule (CF "Ski, Irène..." n°29499) avec Emile Allais, futur champion olympique, qui était alors simple porteur, alors inconnu d'Irène et Frédéric. Ce film est tourné lors d'un petit séjour de ski à Megève en compagnie du physicien Marcel Frilley, chercheur à l'Institut du radium. L'arrivée des enfants, troisième génération, a changé la façon de prendre des vacances. Faire du canoë devient plus compliqué avec des enfants.
01:59:44:10 (cut)

02:00:55:23 (vent en fond) Entre deux questions, Pierre parle de l'importance de recontextualiser les témoignages qui ne sont pas des faits historiques.

02:01:52:22 Pierre et Hélène parlent de la scène filmée de Marie Curie en train de patiner (CF "Sport d'hiver 1931 à 1935" n°29492) qui n'est pas anodine puisque c'est une tradition de Pologne plus qu'en France. Irène était une bonne patineuse aussi. Irène continuait à skier même un an avant sa mort, alors qu'elle n'avait plus qu'un quart de poumon qui fonctionnait, après un pneumothorax total et un pneumothorax partiel.

02:03:56:15 Frédéric et Irène:
Hélène parle d'un film de ski où apparaît son père, qu'elle a tourné en 1957 (CF "Courchevel 1955 à 1957" n°29460). Juste après la mort de Irène en 1956, Frédéric savait qu'il n'en avait plus pour longtemps, et il demande alors qu'Hélène lui réserve une pellicule pour filmer ses descentes de ski. Ce sont de courtes séquences à grande valeur sentimentale pour Hélène. Pierre souligne qu'Irène skiait mieux que Frédéric. Irène skiait déjà d'une manière moderne, ce qui lui permettait une certaine économie physique, contrairement à Frédéric qui était plus brutal dans sa pratique.
02:06:16:01 Pierre souligne que, de son point de vue, son père Frédéric avait tout pour être machiste, or tout son comportement a été à l'opposé. Frédéric aurait eu un peu de mal quand Irène est devenue ministre, parce qu'il était beaucoup plus doué pour ça qu'elle, et Irène était d'accord avec lui sur ce point. Marie Curie, qui a pourtant engagé les femmes dans la science, ne s'est pourtant jamais formellement engagée dans le féminisme alors qu'Irène l'a accepté. Irène a seulement accepté ce poste de ministre car c'était un symbole pour les femmes.
02:07:35:04 (bruit d'avion)
Irène accepte d'être la première femme au secrétariat d'état à la recherche en demandant l'engagement de Jean Perrin pour la remplacer dans moins d'un an. Irène a eu du mal à ce poste alors que c'était tout à fait le domaine de Frédéric.

02:08:47:23 Faire du sport pour prendre du bon air et compenser le travail en laboratoire:
Il fallait se laver l'esprit pour repartir frais intellectuellement. Prendre de la distance pour éviter de tourner en rond autour d'un problème. Enseignement que Pierre a hérité de son père, et même s'il trouvait cette vision de la science idéalisée quand il était jeune, dès ses débuts en laboratoire, Pierre a été convaincu par cette idée de science comme un jeu. Si Pierre continue à travailler à 87 ans, c'est plus pour s'amuser que pour faire avancer la science.
02:11:24:24 (cut)

02:12:11:10 Faire du sport pour des raisons de santé: (problèmes de son sur toute la séquence: vent très fort en fond+bruit de moteur)
Irène a eu pratiquement toute sa vie des problèmes de santé ce qui a considérablement modifié sa façon de travailler. Irène travaillait tous les jours mais rentrait tôt, ce qui fait que Pierre a beaucoup pu profiter de sa mère à la maison parce qu'elle était présente malgré le fait qu'elle doive se reposer. Irène avait une capacité d'écoute extraordinaire derrière son apparence froide. Pour ses enfants, elle était très ouverte et concernée. Pierre avait un contact opposé avec son père, avec qui c'était une sorte de combat perpétuel, des batailles d'ego très animées. Entre les bavards qu'étaient Frédéric, Pierre et Hélène, il arrivait à Irène de lever le doigt pour demander la parole à table. Même si c'était compliqué, Irène parvenait toujours à dire exactement ce qu'elle voulait dire. Anecdote sur la notion de politesse au sein de la famille Joliot-Curie: lors de sorties officielles, c'était à Pierre de dire à sa mère comment se comporter. Marie Curie n'avait pas l'air de lui avoir inculqué la politesse, alors que Eve Labouisse-Curie, sa deuxième fille, était exactement à l'opposé, avec un sens de la communication extraordinaire.

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